Le bâtiment D est alimenté par le réseau d’approvisionnement énergétique de la Guisanplatz 1. Les conduites de raccordement nécessaires ont déjà été préparées lors de la première étape de construction, et les lignes d’alimentation préinstallées. Au 2e soussol, huit carottages relient le bâtiment D au bâtiment A et le raccordent ainsi au réseau d’approvisionnement.
C’est de là que partent les conduites des systèmes de chauffage et de refroidissement comme celles des installations sanitaires et électriques. Elles transitent par la centrale technique du 1er sous-sol pour accéder à chaque étage par le chemin le plus court. Juste à côté, une grande centrale de ventilation regroupe toutes les installations de traitement de l’air pour l’ensemble du bâtiment.
Roman Portmann est ingénieur, directeur général du projet et coordinateur interdisciplinaire pour la technique du bâtiment. Nous l’avons rencontré pour évoquer le coeur de sa planification, sa réalisation axée sur l’utilisation et la tâche délicate d’atteindre l’efficacité énergétique exigée par Minergie et SNBS.
Roman Portmann nous montre un plan de coordination qui révèle en un coup d’oeil ce que ses planificateurs en technique du bâtiment ont développé au cours des trois dernières années et ce que les installateurs mettent en place au fur et à mesure dans les deux sous-sols. Son bureau est sur le chantier. Il allume son ordinateur portable et projette le plan de coordination sur le mur. Ce qui, à première vue, ressemble à une peinture abstraite est en fait une visualisation complexe en 3D, avec une couleur par secteur : bleu pour la ventilation, rouge pour le chauffage, vert pour les sanitaires, jaune pour l’électricité et magenta pour le froid.
Son programme informatique lui permet de voir sa planification à chaque niveau, des plans et coupes transversales des conduites d’alimentation ainsi que de leur position. Il peut zoomer d’un étage à l’autre, jusque dans les faux plafonds. « Nous savons exactement à quoi ressemblera le système une fois terminé, explique-t-il. Il y aura des petites différences par rapport à ce qu’on voit ici à l’écran. »
En novembre 2023, conformément au planning,
90% des suspensions pour les installations techniques
sous le plafond du garage ont été prémontées
au 2e sous-sol du bâtiment D. Une partie des
installations de ventilation qui permettent d’amener
dans le système l’air frais capté au niveau du
toit, de le filtrer, de le chauffer, de le refroidir et
de l’acheminer ensuite avec précision dans les
bureaux sont déjà en place au 1er sous-sol.
L’efficacité énergétique et le bien-être dans le bâtiment sont soumis à des exigences élevées. L’objectif est de répondre au standard Minergie-ECO, au label Bon climat intérieur et au standard Construction Durable Suisse SNBS. Nous avons pu reprendre les concepts techniques de la première étape de construction en effectuant quelques ajustements mineurs sur la base du feedback du service technique et des conseillers spécialisés de l’OFCL.
L’idée maîtresse du concept énergétique est d’utiliser la géothermie comme réservoir d’énergie. Nous extrayons l’énergie du sol et la transformons avec l’aide d’une pompe à chaleur à un niveau de température plus élevé afin de chauffer le bâtiment à 20-21 °C en hiver ou de le rafraîchir à 24-26 °C pendant la saison chaude. Pour le refroidissement aussi, l’énergie est prélevée le plus longtemps possible dans le sol et ce n’est que dans la seconde moitié de l’été qu’elle provient d’un système de réfrigération. Sur le plan technique, il a fallu construire deux sources d’énergie pendant la première étape, destinées dès le départ au bâtiment D, soit 200 pieux et 80 sondes géothermiques.
Nos sondes géothermiques vont à 300 mètres de profondeur tandis que les pieux énergétiques s’enfoncent sur 15 mètres sous les fondations. La température y est comprise entre 10 °C et 18 °C toute l’année. En hiver, le sol se refroidit, et en été, le soleil le réchauffe. Les sondes géothermiques sont enfoncées dans le sol par forage et forment un circuit fermé dans lequel circule, dans notre cas, de l’eau. Une pompe veille à ce que l’eau transfère la chaleur du sol à la pompe à chaleur.
Exactement. Pour atteindre une température ambiante raisonnable dans le bâtiment, il faut produire plus d’énergie via la pompe à chaleur. L’eau de chauffage s’élève alors à 36 °C. Nous avons des objectifs élevés en termes d’efficacité énergétique. C’est pourquoi la pompe à chaleur doit présenter un très bon coefficient de performance. Nous utilisons environ 85% de l’énergie terrestre pour faire fonctionner notre pompe et n’ajoutons que 15% provenant du réseau électrique.
Les modules mesurent cinq mètres de long sur un mètre de large. Ils sont montés au plafond le long des murs extérieurs et remplissent quatre fonctions importantes – d’où leur nom de « hybrides » : ils réchauffent ou refroidissent les pièces entre 21 °C et 25 °C, ils servent de sortie d’air et ils insonorisent. Les critères d’un bon climat ambiant sont avant tout la qualité et la température de l’air. Nous mesurons ces deux éléments à l’aide de capteurs installés dans les pièces. Pour cela, nous avons tiré les leçons de la première étape de construction. À l’époque, l’approche consistait à insuffler un débit d’air constant dans les petites surfaces de bureau. Les surfaces de bureau plus grandes sont équipées de régulateurs de débit variables qui insufflent de l’air en fonction de sa qualité. Ce système était en place depuis un an lorsque nous avons commencé à planifier le bâtiment D. En 2019, nous avons demandé au service technique ce qui fonctionnait bien et ce qui pouvait être amélioré. Ils nous ont notamment fait remarquer qu’avec les régulateurs de débit constant, un volume d’air considérable est insufflé dans le bâtiment sans réelle utilité. Idéalement, tous les régulateurs de débit d’air devraient fonctionner de manière variable en fonction de la qualité de l’air.
Nous avons systématiquement déterminé des petites surfaces de bureaux équipées de quatre modules hybrides au plafond, réglables en fonction des besoins grâce à un régulateur de débit d’air pulsé variable et à une vanne de chauffage et de refroidissement à six voies. Cela permet de n’insuffler que l’air nécessaire au maintien de la teneur en CO2 à un niveau constant d’environ 1000 p.p.m. Les modules hybrides comprennent un cycle hydrologique qui amène plus ou moins d’eau pour réguler la température. Dans la pièce elle-même, les énergies calorifique et frigorifique sont transmises à 60% par rayonnement et à 40% par convection. Cette répartition et l’apport d’air pratiquement sans courant d’air confèrent une sensation de confort thermique.
Cela se produit lorsqu’il y a ce qu’on appelle une asymétrie de rayonnement. Par exemple, dans les zones où les gens travaillent avec six écrans devant eux, il fait très chaud, à cause de la chaleur dégagée par les appareils. La chaleur vient de l’avant et l’air semble plus frais derrière soi, si bien qu’on a l’impression d’avoir un courant d’air dans le dos. Mais comme les surfaces de bureau ici sont petites, nous pouvons répondre aux besoins individuels dans des domaines bien précis et les ajuster en fonction des personnes. Il existe d’ailleurs deux autres facteurs qui influencent fortement le climat ambiant.
Les couleurs et les protections contre les regards indiscrets. Ces deux facteurs sont souvent évoqués lorsque quelqu’un n’est pas à l’aise même si la température ambiante est conforme au confort habituel et qu’aucun courant d’air n’est détecté. Pour donner suite à des réclamations, nous avons déjà démonté des bouches d’aération : les gens continuaient pourtant de ressentir des courants d’air. Dans la plupart des cas, l’inconfort étaient causé par un manque de protection contre les regards indiscrets ou par un jeu de couleurs audacieuses.
Nous chauffons les pièces à l’aide des modules hybrides sans avoir besoin d’augmenter la température de départ du chauffage au-delà de 35 °C, même les jours d’hiver très froids. La différence entre la température d’entrée de la sonde géothermique et la température aller s’élève ainsi à environ 26 °C. C’est là que réside l’efficacité énergétique du système : l’écart de température que doit combler la pompe à chaleur est relativement faible. Dans les maisons individuelles et les immeubles collectifs, 80% à 90% des pompes à chaleur sont réglées sur une température aller de 45-55 °C. Lorsqu’il faut refroidir un espace, le système est aussi efficace. Nous pouvons refroidir les pièces environ jusqu’au début du mois d’août grâce au réservoir souterrain. Ce n’est que lorsque le niveau de température du réservoir augmente petit à petit à cause du rayonnement solaire intense que nous devons refroidir les panneaux hybrides avec une machine réfrigérante jusqu’à la mi-octobre environ, afin de maintenir la température ambiante moyenne à 23-25 °C.
Lorsque les bureaux sont vides, notre système de chauffage arrive à ses limites. La chaleur dégagée par les personnes, les machines et les locaux informatiques fait partie intégrante du concept énergétique. Pendant la pandémie, les immeubles de bureau construits pendant la première étape étaient pratiquement vides. En conséquence, les besoins en énergie de chauffage ont augmenté et ceux en refroidissement ont diminué pendant les mois d’été. Le réservoir souterrain, dont je viens de parler, a été exploité dans les années 2020- 2022 avec des énergies de charge et de décharge modifiées et nous craignions qu’il ne se refroidisse trop et ne soit donc pas assez chargé pour la prochaine saison froide. Afin d’exclure ce risque, nous le surveillons depuis lors via un système de monitoring.
Il mesure les températures d’entrée et de sortie des pompes à chaleur et des machines frigorifiques, il enregistre les quantités d’énergie utilisées et il fait le bilan des énergies. Si nous constatons au fil des ans que le réservoir souterrain se refroidit trop, des mesures ciblées peuvent être mises en place. Par exemple, en été, nous pouvons y « pomper » plus d’énergie que d’habitude alors qu’à cette saison, nous sommes en mesure d’utiliser 100% d’énergie solaire. Sinon, nous prendrions le risque qu’il « gèle » et que notre principale source d’énergie fasse défaut. D’ailleurs, toutes les nouvelles demandes de construction de sondes géothermiques doivent être vérifiées via un programme de simulation qui atteste que pomper la chaleur est possible pendant les 50 années suivantes. Avec ce programme, les autorités veulent éviter de trop refroidir le sol et de causer des dégâts écologiques.
Très faible – tant que l’on surveille et que l’on réagit à temps quand c’est nécessaire.
Via une centrale de distribution au 1er sous-sol. Conformément aux instructions du maître de l’ouvrage, notre concept vise à installer le moins possible de points de prélèvement d’eau chaude dans le bâtiment. Dans les toilettes, il n’y a que de l’eau froide pour se laver les mains. Cette mesure permet déjà d’économiser une grande partie de l’énergie et des matériaux. Les longues conduites de raccordement à travers le bâtiment entrainent ce qu’on appelle une perte de circulation, et elle est conséquente. Pour compenser cette perte, nous avons décidé d’installer le chauffage de l’eau sanitaire à proximité immédiate des points de prélèvement d’eau chaude et utilisons pour cela des chauffe-eau air-eau alimentés par une pompe à chaleur. Ce processus crée de l’énergie de refroidissement qui est à son tour utilisée pour refroidir les salles de serveurs.
Dans le bâtiment D, une partie de cette eau de pluie est aussi utilisée comme eau grise pour les WC et les urinoirs. L’eau de pluie du bâtiment D est évacuée dans les canalisations publiques via un système spécial de rétention sur le toit. Comme dans un sol forestier, de grandes quantités d’eau de pluie peuvent ainsi être stockées temporairement puis évacuées de manière contrôlée, sans risque d’inonder les canalisations.
Les eaux grises, c’est-à-dire les eaux usées peu polluées, sont encore assez rarement utilisées. Il faut pour cela disposer de deux systèmes d’eau séparés, assurer la maintenance du réservoir etc mettre en balance le surcoût de l’installation avec l’utilisation possible de ces ressources. Mais l’utilisation des eaux grises est un élément important
pour la certification Construction Durable Suisse SNBS.
Une installation photovoltaïque d’environ 150 kWp sera placée sur le toit du bâtiment D pour alimenter une grande partie du site en électricité. Le reste du courant sera acheminé vers le bâtiment D via la distribution électrique du site, qui se trouve au 1er sous-sol du bâtiment A, via un rail conducteur. Outre le réseau électrique, tous les réseaux de communication et informatiques seront amenés vers le bâtiment D via cette centrale. Le concept d’accès pour les courants fort et faible est conçu de manière à permettre un premier aménagement flexible comme des extensions et transformations ultérieures. Le site dispose d’un générateur de secours permettant à toutes les installations de sécurité de fonctionner, même en cas de panne de courant.
Sur un site comme la Guisanplatz, on pourrait en principe envisager d’équiper la façade d’éléments photovoltaïques. Mais comme le terrain est densément construit, les bâtiments se font de l’ombre. Il a fallu se demander s’il n’est pas plus judicieux d’installer les modules PV sur les surfaces de toit encore libres plutôt que sur des façades ombragées. Nous pensons que la première solution est de loin préférable.
Le réseau est perturbé lorsque la courbe de tension harmonique, c’est-à-dire la courbe sinusoïdale propre, est modifiée par des harmoniques. Ceuxci sont causés par les transformateurs des sources lumineuses, les alimentations à découpage des téléviseurs, des ordinateurs ou des éclairages halogènes, ou par les moteurs à régulation intégrée équipés d’un convertisseur de fréquence. Dans les nouveaux bâtiments aujourd’hui, pratiquement tous les ventilateurs et pompes sont à régulation intégrée. Grâce à un programme de calcul spécial, tous les harmoniques utilisateur sont enregistrés, calculés et analysés. Si nécessaire, nous installons des filtres réseau spéciaux qui lissent à nouveau les harmoniques et garantissent un fonctionnement sans faille des installations électriques.
Selon le standard Construction Durable Suisse (SNBS), les installations techniques des bâtiments doivent permettre de séparer les éléments de construction. Au moment de la planification puis de la réalisation, il faut donc cloisonner systématiquement les éléments de construction ayant différentes durées de vie et d’utilisation. Cette séparation de tous les systèmes apporte de la flexibilité à l’utilisation et aux éventuelles mises à niveau.
Oui, mais cela a un coût. En insérant une partie des installations dans la structure primaire – plafonds, murs ou sols, on construit plus rapidement et on économise de la place. Lorsque les systèmes sont séparés, tous les tuyaux et câbles sont installés de manière à être facilement accessibles. On a donc besoin d’un plus grand volume. Or, dans un bâtiment administratif, le personnel ou les exigences peuvent changer. Si les systèmes sont séparés les uns des autres, nous pouvons réagir sans difficulté, même dans 30 ans. C’est donc rentable sur la durée. L’effort initial est plus important, mais au fil des décennies, on voit combien c’est efficace et combien les ressources sont préservées. Il n’est plus nécessaire de casser un mur pour remplacer un tuyau ou un câble.
Le bâtiment D est construit sur un plan rectangulaire longitudinal. Les centrales techniques pour l’électricité, le chauffage et le refroidissement, la ventilation et les sanitaires sont situées au centre de ce plan. À droite et à gauche, trois puits, appelées zones de montée, permettent de distribuer les fluides aux étages par le chemin le plus court. Toutes les conduites, les câbles et les tuyaux de ventilation passent dans ces puits accessibles à chaque étage par une porte. Les travaux de maintenance et les nouvelles installations ultérieures ne posent plus aucun problème.
Le point le plus important de tout concept énergétique est l’enveloppe du bâtiment – elle doit garantir une isolation thermique optimale en étant la plus compacte possible. Imaginez que vous dormez sous tente. Quand il fait froid, vous vous enroulez autant que possible dans votre sac de couchage. Le volume du sac de couchage est ainsi plus petit et il retient mieux la chaleur. Une façade bien isolée fonctionne de la même façon. Nous construisons de manière compacte afin d’avoir le plus de postes de travail possible et de consommer le moins d’énergie possible.
La certification Minergie-ECO impose au maître de l’ouvrage des matériaux de construction écologiques et recyclables, des aménagements flexibles, un climat intérieur sain et une économie circulaire. Pendant l’exécution des travaux, les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites au minimum et le bâtiment répondre aux exigences climatiques.
Les critères suivants doivent être pris en compte : exigences accrues en matière de systèmes de ventilation et d’installations électriques pour un climat intérieur sain ; concept de construction efficace et choix judicieux des matériaux pour réduire les besoins énergétiques ; durabilité des matériaux. Les solutions innovantes et le fait d’aller au-delà des directives existantes dans les domaines de la santé et de l’écologie sont récompensés et prises en compte.
L’Office fédéral des constructions et de la logistique vise à obtenir les certifications Minergie ECO et « Platine » (SNBS).
Les élèves et leurs enseignantes et enseignants peuvent visiter le chantier et découvrir ces métiers sur place. Plus d’informations sur le site Internet du projet.