D’ici fin 2023, le gros œuvre sera terminé : six étages en un an. Cette ossature de béton n’est pas seulement faite de piliers et de plafonds, elle présente aussi l’aspect définitif du bâtiment D. Coffreurs et bétonneurs endossent ainsi une grande responsabilité puisque le gros œuvre restera apparent, soulignera l’identité visuelle des espaces intérieurs et par conséquent, définira l’environnement de travail du personnel administratif.
Le futur bâtiment D possède un atrium, spécificité architecturale que l’on reconnaît d’emblée sur les plans et dans les visualisations. Cet espace à vocations diverses, ouvert sur six étages, éclairé par une verrière, est un lieu central d’où le personnel administratif comme le public accèderont aux différents étages et aux espaces de travail, un lieu de détente et de rencontre et le lieu d’une expérience esthétique unique.
Sur le chantier, dans l’atrium au rez-de chaussée, on devine aujourd’hui déjà la puissance évocatrice de cet espace vide. Les fines colonnes de béton apparent forment un quadrillage de 6,2 x 2,5 m et encadrent son plan rectangulaire. Étage après étage, ces colonnes se superposent au millimètre près et, comme en architecture sacrée, transmettent les charges dans le sol pour assurer la statique. Mais pas seulement.
La construction de piliers et de plafonds, si clairement perceptible à cet endroit, met en évidence la structure systémique de l’architecture, puisque la conception du bâtiment repose sur la répétition. Par ailleurs, la structure porteuse est conçue de manière neutre en termes d’utilisation : des plans de répartition des locaux flexibles pour des bureaux en open space, un espace ouvert, pratiquement sans murs fixes, et des zones modulables selon les besoins.
En tant que chef de projet en génie civil, Christophe Sion ne s’est pas limité à planifier la fouille. L’ingénieur civil de la société B+S AG est également chef de chantier spécialisé et le planificateur responsable de la structure porteuse complexe du gros œuvre. Pour lui, la question centrale, c’est : « Nous avons de longues portées à maîtriser. Comment bien faire pour qu’elles soient harmonieuses ? »
Fin 2023, 2208 piliers répartis sur les six étages suterrains et les deux étages souterrains auront été coulés. Même s’ils se ressemblent, ils ne sont pas tous identiques : leur forme et leurs dimensions varient selon leur emplacement.
Le bâtiment s’étend sur une surface de 43 x 107 m dans les sous-sols et, à partir du rez-de-chaussée, sur 43 x 98 m. Cette réduction des dimensions a constitué à elle seule un défi de taille en termes de planification, car les piliers des deux étages souterrains ont dû être positionnés différemment. Au total, 163 types de piliers ont été utilisés, et Christophe Sion et son équipe ont exécuté 496 dessins jusqu’à ce que le système soit parfaitement calculé. À cela s’ajoutent les plans, les plans de détail et les schémas de principe des architectes, des planificateurs en électricité, des services de chauffage, de climatisation, de ventilation et de plomberie.
Les plans de Christophe Sion incluent les données géoréférencées de chaque pilier, de tous les plafonds et de tous les murs, données que les géomètres importent dans leurs appareils de mesure et que les contremaîtres indiquent ensuite en trois dimensions au millimètre près, ainsi que leur aspect, pour les ferrailleurs, les coffreurs et les bétonneurs.
Outre la précision de la planification, la structure porteuse nécessite une gestion minutieuse de la qualité. Les éléments de façade préfabriqués sont fixés au gros œuvre et les fenêtres, également préfabriquées, doivent parfaitement s’insérer entre les colonnes. « Par rapport aux marges de tolérance autorisées par la norme suisse en vigueur SIA V414, les tolérances dimensionnelles ont été réduites de moitié dans ce projet. Pour des dimensions nominales comprises entre 2,0 et 4,0 m, les écarts limites ne doivent pas dépasser 5 mm », explique Christophe Sion.
« C’est incroyablement exigeant car nous construisons non pas dans un environnement protégé, mais à l’extérieur, par tous les temps, en plein air et en grand format. Cela demande la plus grande précision », ajoute Roland Müller, architecte et chef de projet du planificateur général responsable, Aebi & Vincent Architectes, pendant la phase d’élévation du bâtiment.
La structure porteuse comprend quatre types de béton différents. Le béton recyclé est présent partout où ce type de granulats peut être utilisé : murs et plafonds depuis le rez-de-chaussée. Les piliers, en revanche, sont préfabriqués en béton haute performance dans une usine près de Lenzbourg. Ils sont livrés et posés sur place à l’aide d’une grue, tout comme les éléments d’escalier.
« Selon les ciments, la teinte peut varier, explique Roland Müller. Chaque fabrique de béton fait son propre mélange. Nous avons coulé des échantillons de murs pour voir quelles couleurs s’harmonisent. Cela nous a également permis de définir comment construire au mieux sur place afin d’avoir des surfaces murales lisses et esthétiques. »
Une fois les tests effectués, de l’oxyde de titane – un pigment transparent – a par exemple été ajouté au béton haute performance des piliers afin de l’éclaircir et d’atténuer sa nuance grise. « Nous faisons bien plus que simplement bâtir le gros œuvre puisqu’il restera apparent. Les exigences envers les artisans sont donc élevées », explique Roland Müller. Il n’y aura ni revêtement en plâtre, ni peinture, ni panneaux de bois. Ici, construire en tenant compte des ressources disponibles implique d’utiliser un seul matériau et de définir une esthétique unique pour tous les étages et tous les espaces du bâtiment.
Les artisans clés de la réussite de ce travail sont les coffreurs, les ferrailleurs et les bétonneurs. Dans les sous-sols, ils ont pu utiliser un coffrage-cadre standard de 1 x 2 m. En revanche, pour les étages supérieurs, architectes, ingénieurs civils et artisans ont évalué ensemble à quelles exigences les éléments de coffrage doivent répondre afin de réaliser la vision architectonique et esthétique des grandes surfaces murales planes et un bel appareillage des joints. La solution : des éléments de coffrage préfabriqués spécialement pour ce bâtiment par la société Doka.
Martin Jungi, contremaître, est l’un de ceux qui ont acquis de l’expérience lors de la première étape de construction : « Il est important que le coffrage soit bien fait et que tous les trous de forage soient bouchés. La surface doit être lisse comme une voiture qui sort de l’usine. » C’est pourquoi les surfaces sont réparées, polies et huilées après chaque utilisation. Martin Jungi se trouve au 2e étage devant un nouveau coffrage et il explique pourquoi il vérifie toujours le premier mélange qui sort de la bétonneuse : « Lorsque l’on coule le béton, il doit remonter le long des parois du coffrage, en laissant un creux au milieu, la consistance est alors correcte », affirme ce maçon de formation. Tous les murs, ou presque, sont différents. Selon la température à l’extérieur, le mélange pierreux ne réagit pas de la même manière. Et selon qu’il pleut ou qu’il neige, des poches d’air peuvent se créer. Pour résumer : vigilance et expérience du matériau sont indispensables. Tout l’art, pour Martin Jungi, consiste à bien faire vibrer le béton avec l’aiguille vibrante. Le but est de répartir uniformément la masse dans le coffrage, d’éviter les nids de gravier et de travailler avec détermination. « Nous coulons le béton dans le coffrage sur une hauteur d’environ 50 cm, nous le mettons correctement en vibration et ne nous laissons pas stresser. Nous remplissons le reste après. »
Selon les conditions météorologiques, il faut un à deux jours pour pouvoir retirer le moule mural, une fois que le processus de durcissement est suffisamment avancé.
Outre la connaissance des matériaux et la précision de la mise en œuvre, la logistique (voir Bulletin D n° 2 – 2021 Aménagement du chantier) est exigeante pendant la construction du gros œuvre car l’espace libre disponible est toujours aussi limité. Tous les matériaux de construction arrivent sur le chantier à un moment clairement défini et devraient être immédiatement employés. Quand il faut stocker du matériel, cela se fait dans les étages déjà construits. C’est le seul endroit où il est possible de transborder les marchandises. Comme les ferrailleurs, les coffreurs, les bétonneurs et les électriciens travaillent les uns après les autres selon un calendrier serré, les quelque 40 personnes employées sur place actuellement doivent être extrêmement bien organisées. « Si quelque chose ne fonctionne pas dans la chaîne logistique, nous la modifions, explique Roland Müller, chef de chantier, afin de respecter les délais et de rester efficaces. »
Le futur atrium est aussi utilisé à cet effet. Malgré tous les matériaux qui y sont actuellement stockés, l’élégance de cet espace est déjà palpable, les perspectives se dessinent. Une imposante ouverture circulaire indique l’emplacement des escaliers hélicoïdaux en acier pour accéder aux différents étages.
De jour en jour, le bâtiment prend forme.
29 767 m2 Surface de plancher
21,65 m Hauteur à partir du sommet de la chape du rez-de-chaussée
2208 piliers et 163 exécutions différentes
1488 tonnes de fer dans les plafonds et les murs
450 m2 de plafonds coulés chaque semaine sur une superficie du bâtiment de 43 x 98 m
Qualité à 150% Les tolérances dimensionnelles admises selon la norme suisse SIA V414 sont divisées par deux pour le bâtiment D. Pour les dimensions nominales comprises entre 2,0 et 4,0 m, les écarts limites ne peuvent être que de 5 mm au lieu de 10 mm
Environ 40 personnes travaillent actuellement sur le chantier, maçons, architectes, électriciens, ferrailleurs, contremaîtres, ingénieurs, géomètres, grutiers, coffreurs à la tâche. Parmi eux, 5 apprenties et apprentis
6 étages en 12 mois
1 ossature et 4 types de béton différents
Le 22 mai 2023, le maintien de la nappe phréatique, entamé pendant la phase de génie civil, s’est terminé.
Comme le deuxième sous-sol du bâtiment D se trouvait en-dessous du niveau de la nappe, la fouille a dû être étanchéifiée (Bulletin D n° 3/2021 – La fouille). Une fois le deuxième étage suterrain élevé, l’ossature était suffisamment lourde pour que les eaux souterraines ne puissent plus faire bouger le bâtiment.
On a donc fermé les six derniers puits filtrants. Les pompes ont alors été retirées des conduits en fer, les cylindres qui dépassent coupés au ras du sol, bouchés par un couvercle à vis puis bétonnés. Désormais, l’eau souterraine s’écoule à nouveau dans son sens naturel sous et autour du bâtiment D.